La décision de publier ce texte déroge à la ligne éditorial de ce Blog. Mais elle se justifie par les enjeux que représente l’issue de la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine.
Ces dernières semaines de nombreux journalistes, enseignants et chercheurs ont relevé le découragement de l’Occident par rapport à l’Ukraine et ont exprimé leur inquiétude de voir que, au delà des discours de ses responsables politiques, le soutien accordé à ce pays face à l’invasion de la Russie ne figure plus dans ses priorités. Plusieurs raisons expliquent leur attitude, la longueur du conflit et le peu de résultats des tentatives de reconquête des territoires envahis, le déni de la gravité et des conséquences de l’invasion et le peu d’actions entreprises pour mobiliser l’opinion publique, et qui se traduisent par les nombreux retards de livraison de l’aide militaire accordée, les hésitations à fournir des armes de dernière générations, la persistance de l’illusion que en cas de victoire de la Russie, rien ne devrait vraiment changer dans les autres pays de l’Europe …
Il me semble que ces penseurs ont tort de s’inquiéter. Si « une victoire russe est possible, non pas au sens où la Russie prendrait Kiev, mais à travers un statu quo incluant ses conquêtes actuelles, » (1) le risque d’un désengagement est très faible. « La défaite morale de l’Europe et des Etats-Unis serait terrible. Et cela irait sans doute avec la montée des extrêmes droites en Europe et, à terme, un désaveu de l’idée européenne. Ce serait, au-delà même de la tragédie ukrainienne, une victoire de la ligne de Poutine à l’échelle du continent. Sans parler des risques immédiats pour la Géorgie et la Moldavie, voire, si l’OTAN se disloquait à la suite d’une élection de Trump, pour les pays baltes. » (2) On imagine mal que les Etats Unis, le Canada, le Royaume Uni, la Communauté Européenne et les autres membres de l’OTAN, après les hésitations et les humiliations des dernières années, puissent s’accommoder d’une telle défaite, acceptent sans réagir de voir une nouvelle fois la Russie violer les traités internationaux, prendre par la force le contrôle d’une partie d’un pays voisin.
31 décembre 2023
- « Pour Poutine, l’hostilité de l’étranger est le moteur principal de l’histoire russe » Entretien avec l’historien Nicolas Werth, propos recueillis par Florent Georgesco, Le Monde du 29/12/2023
- Entretien avec l’historien Nicolas Werth, Le Monde du 29/12/2023