Alors que pour accéder à un poste de responsable dans n’importe quel autre secteur d’activité, il faut apporter la preuve de sa connaissance du domaine, dans celui du secteur de l’hébergement des personnes âgées, des responsabilités importantes sont confiées à des personnes dont les savoirs et l’expérience se situent dans des registres tout autres. Dans le groupe Orpéa, les directeurs sont d’anciens élèves d’écoles d’ingénieurs et de gestion.
Yves Le Masne, est diplômé d’une école d’ingénieur spécialisée en informatique de gestion avec une spécialisation dans le contrôle de gestion et la finance, un DESS de Finance Comptabilité et un diplôme de l’IAE Paris et de l’Ecole Supérieure d’Informatique. Entré en 1993 chez Orpea en tant que contrôleur de gestion, il en a été le directeur général du groupe de 2010 à 2022 avec la mission de mettre en place au niveau du groupe un contrôle de gestion rigoureux et de travailler à la structuration d’un siège administratif puissant.
Philippe Charrier a remplacé le 22 janvier 2022 Yves le Masne, lorsque celui-ci a été destitué à la suite des révélations du livre d’enquête de Victor Castanet. Diplômé d’HEC, il a rejoint Procter & Gamble France, à sa sortie de l’école en 1978, comme cadre financier. Il en a été le président entre 1999 et 2019 et a été ensuite le Directeur général du laboratoire médical Mayoly Spindler et Président du conseil d’administration d’Orpea sans rôle exécutif à partir de 2017.
Laurent Guillot a succédé le 1er juillet 2022 à Philippe Charrier. « Âgé de 52 ans, manager expérimenté, il lui a été demandé d’élaborer et de mettre en œuvre le plan d’amélioration et de transformation destiné à construire le nouvel Orpea», a précisé un communiqué du groupe.
Diplômé de l’École polytechnique et de l’École des ponts Paris Tech, titulaire d’un DEA de macro-économie de l’Université Paris I, Laurent Guillot a commencé sa carrière dans l’administration au cabinet du Ministre de l’Equipement, des Transports et du Logement en tant que conseiller technique et il a rejoint en 2002 la Compagnie Saint-Gobain. Il y a dirigé différentes activités en France et à l’international jusqu’en 2009. En 2004, il a été nommé directeur de l’activité Abrasifs pour la construction, puis en 2005 directeur des Réfractaires Hautes Performances et directeur de l’activité Filtres à Particules pour les véhicules diesel. Nommé en 2007 délégué général pour le Brésil, l’Argentine et le Chili, Laurent Guillot a été le directeur financier du Groupe Saint-Gobain de 2009 à 2016 et a été également en charge des achats et des systèmes d’information du Groupe. A compter de 2016, il a pris la direction des Matériaux puis des Solutions haute-performance. Il est L administrateur indépendant et Président du comité d’audit et des risques de Safran et le 1er janvier 2019 a été nommé Directeur Général Adjoint de la Compagnie de Saint-Gobain en charge des Solutions Haute Performance ; la Direction des systèmes d’information lui étant par ailleurs rattachée.
Formés à l’analyse des bilans et des résultats d’exploitation et à la réduction des coûts, aux études de marché et aux stratégies de croissance du chiffre d’affaire, ces responsables sont compétents pour rationaliser la production, améliorer la circulation des flux et l’emploi du temps des personnels, planifier le développement des entreprises, en tirant parti des opportunités du marché et en procédant à des acquisitions et à des fusions. Efficaces pour gérer des sociétés produisant des biens ou des prestations aisément reproductibles et dont la finalité principale est l’augmentation de l’activité et du profit, leurs connaissances ne sont pas adaptées à la gestion des EHPAD qui, s’ils doivent avoir un budget en équilibre et satisfaire aux exigences propres à toute institution, doivent en premier lieu se focaliser sur la situation, la diversité des profils et l’état de santé des résidents qu’ils hébergent et s’efforcer de répondre à leurs attentes dans une période très particulière de leur vie. En distinguant les activités fondées sur la recherche du profit de celles qui échappent à l’utile et au matériel, et qui correspondent à la mission des EHPAD, on peut affirmer que ni la formation, ni l’expérience de responsables issues du monde de l’entreprise, et qui n’auraient pas acquis les connaissances gérontologiques indispensables, ne leur donnent la légitimité pour être le référent central de ces institutions, le gardien de la dimension éthique de leurs activités.
Pour une formation des responsables correspondant à la mission des Ehpad
Pour accéder à un poste de directeur d’Ehpad et ou de responsables de groupes de maisons de retraite, une formation dans les principales disciplines de la gérontologie devrait être obligatoire.
Comprendre la situation des sujets âgés, leur histoire et leur place dans la société, avoir une vue d’ensemble des processus en jeu dans le vieillissement, de l’aide à attendre de la science et de la médecine, demande d’accéder à des connaissances réparties dans plusieurs domaines.
« Sous le terme de vieillissement on regroupe un ensemble de processus complexes dont l’évolution diffère d’une personne à une autre. Il n’existe pas de parallélisme entre l’âge chronologique et l’expression des manifestations biologiques du vieillissement. Autre constat : l’espérance de vie sans incapacité progresse plus vite que la longévité elle-même, notamment chez les hommes. Comme il y a peu de chances que cette augmentation soit le fait de remaniements subis par le génome humain en si peu de temps, l’augmentation de l’espérance de vie moyenne depuis le début du XXe siècle suggère un rôle important des facteurs extrinsèques, ce qu’on appelle l’environnement de l’homme au sens large, incluant l’hygiène, les traitements, l’habitat, l’alimentation et les comportements, facteurs sur lesquels les êtres humains peuvent agir. L’individu n’est pas qu’une machine biologique, il est aussi un être social. » (Gonthier 2003 p.185). Cette présentation est en phase avec celle des participants aux Rencontres sur le vieillissement qui avaient à réfléchir sur L’avancée en âge, ses modalités, ses déterminants. (Legrand, Tréton, 2001 p. 8)
Effectuer un stage en établissement
Aucune approche ne pouvant être privilégiée, l’étude de la vieillesse demande de se familiariser à ses différents aspects : médicaux, sociaux, psychologiques…[1] et lorsqu’il s’agit d’un projet de recherche qu’on soit capable de nommer ses sources d’inspiration, l’angle d’étude sélectionné, les options théoriques auxquelles on se réfère.
La formation théorique devrait être complétée un stage de 4 ou 5 semaine dans un établissement, pour connaître les personnes hébergées, leur situation, leurs attentes et leur expérience du vieillissement. De même que les étudiants des écoles d’ingénieurs et de commerce font des stages ouvriers, les futurs directeurs d’établissements et les gestionnaires des associations et des groupes des maisons de retraite devraient être obligés d’exercer des fonctions d’aide et de soutien auprès des résidents pendant quelques semaines.
Revoir les diplômes exigés à l’embauche, s’assurer des motivations des candidats et inclure dans les procédures de recrutement des responsables d’EHPAD et des professionnels du Siège, un stage de cinq semaines dans un EHPAD comme auxiliaire de vie ou aide soignant sont des mesures aisément réalisables, permettant d’éviter ou à tout le moins réduire le risque de voir d’autres groupes de maisons de retraite emprunter le même chemin qu’Orpéa.
[1] Comme le souligne l’historien Jean-Pierre Bois « Les questions proposées à la curiosité historique dans le domaine de la vieillesse sont immenses : les âges de la vie, la famille et la société, le droit et les institutions, les techniques et l’économie, la médecine, les mentalités, la mort, il n’est rien qui puisse être négligé. » Jean-Pierre Bois, préface du livre d’Elise Feller, Histoire de la vieillesse en France 1900-1960,Editions Seli Arslan, Paris 2005 p.7