Fêter son anniversaire¹

Chaque année revient la date à laquelle il est de tradition de célébrer sa naissance. En un temps pas si ancien, on ne fêtait pas les anniversaires mais la fête de son patron et les individus ignoraient le nombre de leurs années[2]. De nos jours avec le perfectionnement des instruments de mesure et d’archivage, le goût pour les chiffres, il constitue un critère d’identification majeur des personnes dans notre société. L’âge de chacun lui est non seulement connu, mais constamment rappelé. Sur un plan personnel la tristesse de remarquer, quand on n’est plus très jeune, qu’on a un an de plus, est compensée par les preuves d’affection qu’on reçoit ce jour-là. Le lendemain rien n’a fondamentalement changé et on n’y pense plus. Les exigences de la vie quotidienne, de la famille, du travail, les rendez-vous, les projets en perspective, ont accaparé à nouveau son attention. Mais il arrive un temps où il n’en est pas ainsi, où on est rattrapé par son âge. 60 ans est celui de la fin de la vie professionnelle, puis arrivent, 70, 80, 90 ans… Même si les immortels de l’Académie ont été impatients de fêter leur premier centenaire,  l’avancée en âge prend pour alors chacun une toute autre signification. [3]

L’anniversaire de mes quatre vingt ans,

Madame F. a franchi en 2005 le cap des 80 ans. « Avant les dizaines ça m’était égal. Mais lorsque j’ai atteint 70 ans je me suis dit « oh là là ! la prochaine dizaine c’est 80 ans. J’ai ressenti alors quelque chose qui m’a bousculé ». « Mon anniversaire je pensais que ce serait un mauvais moment à passer, ça me paraissait énorme. J’ai longtemps hésité. J’avais peur qu’il soit un peu comme l’enterrement de ce que j’avais été et de ce que j’étais. Mais dans ma famille nous sommes au moins deux cents à partir de mes parents, plus même si on compte les filleuls et puis il y a tous les amis. Ils ne m’ont pas demandé mon avis. Ils se sont concertés et ont préparé la fête sans moi, en secret. La fête a été une grande réussite, elle m’a fait du bien. C’était une révélation de voir que des liens tissés depuis ma jeunesse existaient toujours. J’étais heureuse d’être encore en relation avec tant de monde. J’ai découvert aussi que ça aidait les jeunes à se situer dans le temps et de croire dans la durée, dans la valeur de la relation. Ça les aidait de voir que les liens qu’ils avaient tissés avec nous tout au long de ces années perduraient. J’ai eu alors l’impression de quelque chose d’important, qu’on est toujours en vie et que l’on ne sert pas à rien. »


[1] Arbuz G. 2008, Préparer et vivre sa vieillesse, Paris, éditions Seli Arslan p. 156-57

[2] Dans la première partie de son livre « L’invention de soi » Jean-Claude Kaufmann rappelle les épisodes qui ont conduit à attribuer à chaque individu une identité par rapport à laquelle la date de naissance, donc l’âge, est devenu une caractéristique essentielle. » Armand Colin, Paris, 2004, p.15 et suivantes

[3] Bernadette Puijalon « Que s’est-il passé ? La vie et je suis vieux » Gérontologie et société, n° 121 juin 2007 p. 62

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *