On parle des « Vieux », comme on évoque une pathologie, un début d’infirmité ou une étape irrévocablement franchie
Devenir âgé n’est qu’un état sur une longue chaîne continue qui commence avec la naissance, se prolonge avec l’adolescence, puis l’âge adulte appelé encore celui de la maturité, avant d’entrer dans ce qu’il est convenu de nommer la sénescence.
Rien n’est à stigmatiser dans ces étapes inéluctables, tout est passage, franchissement de portes, évolution et transmission d’expériences.
Jusqu’à présent la société a éludé ce dernier stade par souci de rester dans un point de vue économiquement rentable et surtout valorisant dans le regard des autres.
Ne jamais vieillir, refuser des ans l’irréparable outrage, camoufler, calfeutrer, résister encore et lutter, toujours : mais contre quoi ? Mais contre qui ? Sinon son propre regard dans le miroir, le regard apeuré ou compatissant de ses proches, donc s’empêcher de devenir, se figer dans le temps, voire s’isoler, se cacher des autres.
La vieillesse serait- elle dans ce cas, le naufrage attendu !!!!
L’anthropologue Georges Arbuz, a dit : « La vieillesse n’est ni exclusivement médicale, ni sociale, elle est avant tout une phase de l’existence humaine, qui concerne chacun d’entre nous »
A cet égard c’est une expérience de vie propre à chacun et qui a besoin de la présence des autres pour se partager, se découvrir et s’expérimenter.
Et dans ce cas la vieillesse devient un moment privilégié du dévoilement du sens de l’existence, le moment où l’individu réussit à trouver une unité dans ce qu’il a initialement vécu comme distinct, séparé, sans lien.
Le vieillissement est alors plus que jamais le temps de la découverte de soi et des autres, car, avec la psychanalyse des séniors nous le touchons du doigt, il n’existe aucun âge pour la découverte de l’autre et par tant de soi-même
Et c’est en cela que le vieillissement est d’abord une expérience intime, une découverte d’une intériorité nouvelle, remaniant la perception que chacun a de soi, de son existence, de son lien aux autres et au monde.
C’est là que se situe le rôle des aides telles par exemple « les ateliers de peinture », qui face à la page blanche interpellent, suscitent le trait, puis le fil du trait qui devient paysage ou être ou geste, mouvement et énergie retrouvés dans tous les cas.
Partir à la découverte de ses images intérieures, de ses représentations, de sa subjectivité et de sa créativité, en entreprenant le voyage sur la feuille de papier et celui du pinceau dont le trait se fait comme à son insu, découvrant l’émerveillement d’un sens qui se crée ainsi sous les doigts et de scènes qui surgissent
« çà s’est fait sans que je l’ai voulu vraiment » dirons certains acteurs lors de ces ateliers.
Le lien confiant à l’art thérapeute suffit à faire triompher le fil créateur des peurs multiples qui peuvent lutter avec la feuille vide.
Ces ateliers de peinture sont le début d’un nouveau regard sur la richesse de l’être humain : Il est temps de retrouver le respect de tous les âges de la vie, et surtout des plus vulnérables qu’ils soient de naissance ou de sénescence.
Et dans le cas des unités protégées ou fermées que constituent à l’intérieur des EHPAD, celles qui correspondent aux maladies d’Alzheimer ou autres démences associées, face à ceux qui n’ont pas encore ou plus leur capacité d’expression langagière, les prisonniers du silence, les emmurés des expressions peuvent grâce à leurs peintures parler encore, s’exprimer et converser encore avec leur entourage.
L’expression artistique restitue à ceux qui en font l’usage, une identité nouvelle, pour mieux les laisser en lien avec la société
Grâce à cette nouvelle activité, ils redécouvrent un moyen pour exprimer ce qui bouillonne en eux de richesse, de joie, d’angoisse, de douleurs, de désirs, et d’espoirs aussi.
Ainsi, les prenant par la main, nous redonnons à nos anciens, quel que soit leur état, une place, leur place parmi nous.
Michelle Calandre
Psychologue Psychothérapeute
Hypnose Médicale et Thérapeutique
calandre [point] psychoth [at] orange.fr