Lors de la dernière session Parcours de vie 2018, l’Ecriture a émergé comme thème fédérateur du groupe. Le besoin de transmettre, laisser des traces écrites s’est imposé. Le témoignage d’une participante ayant réussi à publier, l’écoute bienveillante accompagnée d’encouragements pour donner à lire deux de mes poèmes m’ont permis de retisser des liens avec mes ascendants par touches impressionnistes, poétiques.
Croyant profondément que le canevas d’une vie singulière s’entrecroise comme la trame à la chaîne d’autres destins collectifs, exilés d’aujourd’hui comme d’hier, je vous remercie de me permettre de donner sens à cette période de vie en partageant avec vous le fil conducteur de l’Ecriture pour tisser les motifs de la condition humaine.
Annick Carmen IDELSON
Introduction : Destins Slaves
Autrefois Grand père Siméon, mon inconnu à la pierre tombale m’avait dit « lâche moi et danse maintenant » ! Aujourd’hui il me dit « Ecoute le vent des steppes qui roulent nos sanglots Mais redresse toi, sur la pointe des pieds, des rimes, chante par-dessus les toits, Témoigne, écris afin de rassembler les fils épars, renouer la chaîne à la trame, l’individuel au collectif, continuer à cheminer ensemble, par delà le destin tragique des foules d’exilés bâillonnés. Tiens fermement le fil conducteur de la plume, Comme l’algue enracinée aux tréfonds de ton anc-être.
Destins slaves
Je tisse l’ourlet défait des lourdes robes Des bohémiennes slaves.
Cachée dans le fumet
Du samovar fêlé.
Agenouillée, glissant sur le frimas
Des routes à l’horizon noyé.
Nouant, dénouant les mailles effilochées
Qui roulent au tambour du rappel.
Je glisse mes doigts effilés
Entre les pages rugueuses
Et caresse l’entrelacs
Des mots et tissus noués J’allonge le pas des bagnards ;
Dos rond et ouvre la poitrine
Des secrets macérés…
Puis saute dans le rythme effréné
Des confitures menteuses.
Petits pas, petits plis bien proprets;
Petite souris moqueuse
Grignotant de-ci delà
Le pain noir des Terres sans frontières.
Figure du retournement : l’Algue
L’Algue symbolise la vie élémentaire, sans limite, que rien ne peut anéantir. C’est un réservoir de vie auquel s’abreuver. Cette poésie vous invite à assumer votre part d’ombre. Par touches impressionnistes, poétiques, Elle ébauche le redressement, La figure du retournement Permettant de raccommoder le tissu vital de votre parcours de vie Pour en faire œuvre à transmettre.
L’algue
Fil tendu jusqu’au paroxysme, jusqu’à rompre,
Coupure du cordon ombilical :
Première trahison, perte d’équilibre,
Arbre renversé, tête en bas,
Plongée vertigineuse dans les eaux abyssales.
Choc de l’air rauque. Poumons pliés
A déplier comme des ailes rabattues.
Le cri s’étouffe en sa propre gorge.
Elle, nouée, enlacée, piégée, encerclée
Par le cordon autour du cou.
Court-circuit : elle se débat…
Figés sur place, l’élan de vie, la première gorgée d’air,
L’amplitude respiratoire soudain sarclée au cordeau.
Le cordon l’arrache, extirpant les racines marines,
Algues solidement enracinées aux tréfonds des entrailles.
Elle en gardera toute sa vie
Le goût salé sur la langue,
Déclinant en lignes sinusoïdales
Les vagues fluides
Des lignes d’encre.
D’un bord à l’autre, roulant des hanches,
Entre deux écueils, pleins et déliés, il tangue
Le vaisseau de son stylo,
L’ancre amarrée aux tréfonds abyssaux.