A propos de l’accompagnement d’un parent âgé et de ce qu’il implique pour ses enfants

Message de Mme Sabine Frackowiak à Georges Arbuz du 30 décembre 2020.

Je vous remercie pour l’envoi de l’article sur le vieillissement de la population, ses conséquences, et notamment les dommages collatéraux qui en résultent, tant sur la personne âgée elle-même, que sur ses proches (Fragilité du sujet âgé et prévention : que retenir des avancéesde la recherche ? ) . Article publié dans la revue Gérontologie et Société de décembre 2020. L’intérêt grandissant porté sur ce sujet devenu incontournable ne peut que me réjouir.  La lecture du document m’interpelle à plusieurs égards. D’une part, parce que je viens d’entrer dans la troisième étape de mon existence et suis susceptible d’expérimenter, dans les années à venir, les effets délétères du vieillissement ; d’autre part, parce que les témoignages relatés dans cet article m’ont replongée dans les années 90, alors que j’étais confrontée à un vécu quelque peu similaire.

 En effet, si mon papa est décédé précocement à l’âge de soixante-trois ans de silicose (je n’avais que dix-huit ans), ma maman, victime civile de guerre (amputée d’une jambe à vingt-six ans en 1939) a, quant à elle, nécessité de tout temps un accompagnement. Ce dernier s’est révélé plus soutenu encore durant les dix dernières années de sa vie.

Nous nous sommes efforcées, ma sœur et moi, de réaliser cet accompagnement de notre mieux. Maman étant insulinodépendante, je me rendais à son domicile le matin avant de rejoindre l’établissement hospitalier dans lequel j’exerçais, et le soir, afin de pratiquer les injections, y compris le Week-end. Nous préparions chaque jour son petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner ; nous assurions sa toilette et l’aidions à se mettre au lit. Notre présence à ses côtés était sa bouffée d’oxygène et nous mettions tout en œuvre pour l’entourer de notre mieux, souvent au détriment de notre vie familiale et personnelle.  Puis, la prise en charge quotidienne étant devenue très compliquée, notamment en raison d’une démence sénile, nous n’avons eu d’autre choix que de la confier, dans un premier temps, à une structure de type « Foyer Logement ». Seul le déjeuner y était servi. Je continuais à me déplacer chaque matin pour réaliser sa piqûre d’insuline ; le midi, ma sœur la conduisait en fauteuil roulant jusqu’à la salle à manger ; et nous revenions toutes deux le soir. Devenue polypathologique, la santé de maman s’est rapidement détériorée et a nécessité le recours à une Unité Médicalisée. Ce fut un déchirement, tant pour elle, que pour nous. Nous sentions que notre présence à ses côtés était vitale pour éviter qu’un syndrome de glissement ne vienne accentuer sa fragilité. Nous faisions trente km tous les soirs pour lui rendre visite. Le diabète ayant progressivement fait son œuvre de destruction, il a fallu, dans un premier temps, procéder à l’ablation de deux orteils puis envisager l’amputation de son unique jambe. Elle décédait dans l’Unité de Soins de Longue Durée du CH de SECLIN en 1997, six mois seulement après l’intervention, à quatre-vingt-trois ans, refusant de s’alimenter et ne souhaitant qu’une chose : quitter ce monde…

Son départ nous a brisées, ma sœur et moi. Et alors que nous pensions néanmoins retrouver progressivement une certaine « normalité » dans notre vie, c’est dans la dépression que nous avons sombré, dépression dont nous conservons aujourd’hui encore les stigmates. Une aide psychologique aurait été la bienvenue pour surmonter cette épreuve, car c’est bien d’une épreuve qu’il s’agit.

Aujourd’hui, la prise de conscience autour du vieillissement et de ses effets ; le développement de l’aide aux aidants, quelle que soit sa forme, sont autant de signes encourageants dans la traversée du désert que vivent de nombreuses familles. Chacun aborde cette épreuve à la lumière de sa propre histoire et de ses croyances. Si certains y sont préparés et abordent sereinement ce cap, pour d’autres la situation devient très vite insurmontable et n’est pas sans laisser de traces indélébiles.

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